Lumière : ce mot résonne doublement dans les rues de Port‑au‑Prince. Après deux semaines de blackout total, la capitale s’apprête à revoir l’électricité… mais au prix d’un message clair du pouvoir : se passer de Péligre. Ce choix politique creuse un fossé avec la population du Centre, prise entre la peur des gangs et l’abandon institutionnel.

Le 13 mai, face à l’impuissance de l’État devant l’occupation de Mirebalais et Saut‑d’Eau par des gangs violents, des citoyens et des organisations de la société civile ont interrompu le fonctionnement de la centrale hydroélectrique de Péligre, principale source d’électricité du pays (plus de 30 %). Péligre avait brièvement repris ses activités, mais sans engagements concrets du gouvernement sur la sécurité. La population a donc relancé la mobilisation et forcé un nouvel arrêt.
Les 17 et 18 juin, la tension a monté d’un cran. Des protestataires ont démantelé un pylône crucial et incendié du matériel de la Police Nationale d’Haïti. Port‑au‑Prince a replongé dans une nouvelle nuit noire. Leur objectif était simple : exiger enfin un véritable plan de sécurisation pour le Centre.
Le choix du pouvoir : Carrefour et E‑Power
Ne parvenant pas à sécuriser Péligre, l’État haïtien a ordonné le redémarrage du réseau électrique via la centrale de Carrefour, avec l’appui des 25 MW fournis par E‑Power. Officiellement, ce choix s’explique par des pylônes endommagés. Officieusement, c’est un signal politique : « on peut se passer de vous ».
Port‑au‑Prince retrouvera la lumière, mais le Centre restera plongé dans l’obscurité et l’insécurité. Des hôpitaux comme La Paix à Delmas tournent au ralenti. De nombreux étudiants, sans accès à l’électricité, ne peuvent plus suivre leurs cours. Les petits commerçants, quant à eux, voient leur activité s’effondrer.
Un État à deux vitesses
La décision conforte l’idée que l’État haitien ne répond qu’aux puissances de pression, en ignorant les revendications sécuritaires du Centre. Pendant que la capitale s’éclaire, la zone productrice d’électricité est laissée à l’abandon. Ce contraste silencieux entre lumière et pouvoir met en lumière une fracture morale : restaurer le courant dans la capitale est possible sans restaurer la sécurité là où il est produit.
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