Bilan F1 2025 : Red Bull Racing, entre mutation, résilience et réveil tardif

par Eric Hightower

La saison 2025 de Formule 1 restera comme l’un des chapitres les plus paradoxaux de l’histoire de Red Bull Racing. Après des années de domination écrasante entre 2022 et 2024, l’équipe a vu sa suprématie challengée, ses structures internes bousculées, et son leadership technique — symbolisé par Christian Horner — remis en cause avec une brutalité rare. Face à McLaren qui a conquis les deux championnats, Red Bull a terminé 3ᵉ du classement constructeurs avec 451 points, mais sa trajectoire est difficile à juger par le seul index chiffré : elle est faite de recul, de renaissance et d’adaptation sur fond de transformations profondes. (Wikipedia)

Ce dossier propose une analyse complète de ce que fut la saison de Red Bull en 2025 : les forces et les faiblesses de la RB21, l’incroyable campagne de Max Verstappen, les évolutions du second baquet, les chamboulements managériaux, la stratégie technique en pleine refonte, et enfin les perspectives pour 2026, année d’une nouvelle ère réglementaire et moteur où l’équipe semble devoir jouer un tout autre rôle.

La RB21 : l’outil de travail, ses qualités et ses limites

Red Bull est entré dans la saison 2025 avec la RB21, présentée en grande pompe lors de l’événement commun à toutes les équipes au centre The O2 de Londres. La monoplace, développée autour d’un châssis conçu par Pierre Waché et motorisée par l’unité Honda-RBPT, était pensée pour être la base d’une nouvelle étape après plusieurs années de domination technique. (Red Bull)

Sur la saison, la RB21 aura cumulé :

  • 8 victoires,
  • 8 poles position,
  • 3 meilleurs tours,
  • plusieurs podiums et performances solides en sprint. (Wikipedia)

Ces chiffres montrent que la voiture a des performances de pointe, mais aussi qu’elle n’a pas su incarner une domination franche et continue tout au long des 24 Grands Prix. Dans les phases où les rivalités ont été les plus serrées — notamment contre McLaren — la RB21 a été parfois victime d’un manque de polyvalence face aux conditions variables de piste et à la progression des autres monoplaces. (Formula 1® – The Official F1® Website)

Contrairement aux époques où Red Bull imposait un tempo technique dicté par ses ingénieurs, en 2025 la RB21 devait régulièrement composer avec des contraintes de développement qui l’ont laissée à la traîne dans certaines phases du championnat, notamment en début et milieu de saison.

Max Verstappen : force tranquille et résilience tactique

La saison 2025 aura été, d’un point de vue individuel, l’une des plus impressionnantes de la carrière de Max Verstappen, même si elle ne s’est pas conclue par un titre mondial. Parti avec un retard conséquent — jusqu’à 69 points à mi-saison — Verstappen a orchestré une remontée historique, réduisant cet écart jusqu’à finir à seulement deux points du champion Lando Norris dans le classement pilotes. (Formula 1® – The Official F1® Website)

Ce scénario est d’autant plus significatif que Verstappen n’a jamais cessé de souligner les limites de sa monoplace. Dès avril, il avait déjà reconnu qu’il restait “beaucoup de choses à améliorer” pour que Red Bull puisse crédiblement rivaliser sur l’ensemble de la saison. (Formula 1® – The Official F1® Website)

Verstappen aura donc démontré plusieurs qualités essentielles :

  • Résilience mentale : la capacité à revenir dans la lutte pour le titre malgré un début de championnat mal engagé.
  • Adaptabilité : quand les conditions techniques ne favorisaient pas la RB21, il a su tirer le maximum des tours et des opportunités.
  • Leadership technique : ses retours terrain et son analyse ont constamment servi à orienter les développements de la monoplace.

Le fait d’être revenu à la lutte pour le titre jusqu’à Abu Dhabi — sans finalement l’emporter — reste une preuve de maîtrise stratégique et de capacité à piloter sous pression, mais il met aussi en évidence le décalage entre les qualités individuelles du pilote et les faiblesses structurelles de l’écurie.

La performance de Verstappen cette année peut être lue comme l’un des efforts de pilotage les plus remarquables du plateau, comparables à certaines des saisons les plus fortes d’autres champions — même si l’absence du titre demeure un facteur critique à analyser.

L’évolution du second baquet : Lawson, Tsunoda et la quête de stabilité

La gestion du second siège chez Red Bull a été un autre élément majeur de la saison 2025, révélateur à la fois des pressions du haut niveau et d’une stratégie de long terme parfois incohérente.

Au départ de l’année, Red Bull avait choisi Liam Lawson pour occuper le baquet aux côtés de Verstappen. Lawson venait de briller en junior, mais ses débuts ont été mitigés : crash au Grand Prix d’Australie, difficultés de qualification en Chine et absence de points, ce qui a conduit Red Bull à un changement prématuré dès mars. (AP News)

Sur décision de l’équipe, Yuki Tsunoda a remplacé Lawson dès le Grand Prix du Japon. Cette décision, rare chez Red Bull qui ne change généralement pas de pilotes en cours de saison, reflète une volatilité interne et une exigence forte de performance. (AP News)

Tsunoda n’a pas non plus satisfait pleinement aux attentes : ses performances ont été inégales et il a terminé 15ᵉ au classement pilotes, ce qui a conduit Red Bull à réfléchir à un nouveau duo pour 2026. (Diario AS)

Vers la fin de l’année, Red Bull a officialisé le recrutement d’Isack Hadjar comme coéquipier de Verstappen pour 2026, faisant passer Tsunoda au rôle de pilote de réserve et de développement. Hadjar, 21 ans, s’est fait remarquer par un podium avec l’équipe sœur Racing Bulls et représente une volonté de renforcer la stabilité et le potentiel à long terme du line-up Red Bull. (Cadena SER)

Cette séquence souligne les défis rencontrés par l’équipe dans la gestion du second pilote : entre performance immédiate et projection future, Red Bull a dû jongler avec les forces en présence, sans trouver une solution pérenne en 2025.

Management et turbulences internes : Horner, Marko, Mekies

2025 fut aussi une année de rupture interne majeure pour Red Bull.

Après près de 20 ans à la tête de l’écurie, Christian Horner a été remercié de ses fonctions de Team Principal en juillet 2025. Son départ a marqué la fin d’un chapitre historique, celui qui avait mené Red Bull de simples outsiders à une des équipes les plus titrées de l’ère moderne. (Formula 1® – The Official F1® Website)

Horner’s exit was not merely administrative — it represented the culmination of internal tensions, external controversies and strategic disagreements within the team’s hierarchy. (The Guardian)

L’ancien conseiller historique du team, Helmut Marko, a même affirmé récemment que si Horner avait quitté ses fonctions plus tôt, Verstappen aurait remporté le championnat 2025, ajoutant une couche de controverse sur la gestion interne de ces derniers mois. (The Times)

Horner’s replacement was Laurent Mekies, former boss at sister team Racing Bulls, who stepped in as CEO of Red Bull Racing. Mekies has been praised for stabilizing the team’s atmosphere and credited with fostering a clearer strategic direction, even if rebuilding after Horner’s departure was far from painless. (BILD)

This leadership reshuffle marked a shift from a personality-driven era to a more structural, engineering-focused approach — a transition that influenced Red Bull’s performance, culture and decision-making across the remainder of the championship.

La saison Red Bull 2025 : résultats, trajectoire et moments clés

Sur le plan sportif pur, Red Bull a été presque constamment présent dans le top 5, avec des victoires et des podiums fréquents, malgré une monoplace qui n’a jamais été capable de dominer l’ensemble du peloton de manière constante. (Wikipedia)

Les 8 victoires réparties sur différents circuits montrent que la RB21 n’était pas sans potentiel brut, mais plutôt qu’elle souffrait d’un manque de régularité dans ses phases de performance maximale. (Wikipedia)

La bataille pour le championnat a été l’un des fils rouges de la saison : Verstappen accumulait un retard important au milieu de l’année, mais a remonté spectaculairement pour finir à seulement deux points du titre, ce qui illustre parfaitement l’intensité de la lutte et la capacité de Red Bull à maximiser ses opportunités quand tout semblait perdu. (Stats F1)

Comparé à McLaren, qui avait une performance plus systématique et plus stable, Red Bull a plutôt été dans une logique de peaks (pics) et troughs (creux), capables de performances extraordinaires une semaine, et d’un manque d’adhérence totale la suivante.

Contexte réglementaire et perspectives techniques pour 2026

La saison 2025 se déroulait aussi dans le cadre d’une transformation technique majeure programmée pour 2026. La FIA a annoncé une révision profonde du règlement, visant à réduire la masse des voitures (-30 kg), modifier l’aérodynamique, augmenter l’efficacité énergétique et introduire une motorisation hybride révisée. (Le Monde.fr)

Red Bull a anticipé ces changements bien avant leurs applications, notamment par la création et la structuration de Red Bull Powertrains et par l’accord avec Ford pour le moteur 2026 et au-delà, ce qui place l’équipe dans une position stratégique prépondérante pour tirer avantage des nouvelles normes techniques. (Wikipedia)

Cependant, ce repositionnement ne vient pas sans défis. Le passage à la nouvelle réglementation exigera une reconfiguration complète de la chaîne cinématique, de l’électronique et de l’aérodynamique. Red Bull devra intégrer ces transformations tout en capitalisant sur l’expérience acquise en 2025, pour ne pas reproduire les erreurs qui lui ont coûté parfois des points clés.

Analyse comparative : Red Bull face à McLaren, Mercedes et Ferrari

Sur l’ensemble de la saison :

  • McLaren s’est imposée comme l’équipe la plus complète, avec une RB21 qui n’a jamais su maintenir un rythme aussi constant, malgré des performances individuelles impressionnantes. (Wikipedia)
  • Mercedes a su consolider une montée en puissance régulière, avec un package cohérent et une stratégie progressiste, qui a permis à Russell de finir solidement au classement pilotes — une situation qui contraste avec la dynamique interne plus troublée de Red Bull. (Stats F1)
  • Ferrari a aussi connu ses propres turbulences, mais Red Bull a maintenu une présence plus forte dans la lutte au podium grâce à la constance de Verstappen et à sa capacité à tirer des résultats même quand la voiture n’était pas au sommet. (Stats F1)

à retenir : une saison de résilience et d’apprentissage

La saison 2025 de Red Bull est une leçon d’adaptabilité, d’endurance mentale et d’intelligence stratégique, même si elle n’a pas livré de sacre final. Malgré un début difficile, un management internement secoué et une voiture jamais totalement dominatrice, l’équipe a su rester dans la conversation jusqu’à la dernière course — un signe de solidité profonde, mais aussi d’un besoin urgent de consolidation technique.

Max Verstappen a rappelé pourquoi il reste l’un des meilleurs pilotes de sa génération, Red Bull a démontré qu’elle pouvait se réinventer en plein mouvement, et l’organisation, avec Laurent Mekies à sa tête, a posé des fondations intéressantes pour l’avenir.

2026 s’annonce non seulement comme la saison de la refonte technique, mais aussi comme celle où Red Bull pourra réellement mesurer si sa transition interne, son partenariat moteur avec Ford et ses nouvelles stratégies de développement peuvent ramener l’équipe vers une ère de domination maîtrisée.

par Eric Hightower

Analyste & Chroniqueur

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