
Par Eric Hightower – FiableActus
Washington — Les données les plus récentes confirment ce que les observateurs géopolitiques redoutaient depuis plusieurs années : les dépenses militaires mondiales n’ont jamais été aussi élevées, marquant un tournant stratégique majeur pour la sécurité, l’économie et la diplomatie à l’échelle globale. Cette montée spectaculaire ne se limite pas à de simples ajustements budgétaires ; elle traduit une réorientation structurelle des priorités nationales, une économie de guerre qui s’installe, et des conséquences profondes pour le XXIᵉ siècle.
Selon le Stockholm International Peace Research Institute (SIPRI), les dépenses militaires mondiales ont atteint environ 2 718 milliards de dollars en 2024, soit une hausse de 9,4 % en termes réels par rapport à 2023 — la plus forte augmentation annuelle depuis la fin de la Guerre froide. Cette progression s’inscrit dans une décennie continue de hausse, où chaque région du monde a augmenté son budget de défense. (SIPRI)
Une dynamique mondiale impulsée par les conflits et rivalités
Ce record historique est directement lié à une série de facteurs géopolitiques contemporains : la poursuite de la guerre en Ukraine, les tensions au Moyen-Orient, la montée en puissance de la Chine en Asie-Pacifique, et les incertitudes stratégiques associées à la lutte contre des organisations non étatiques. Cette configuration globale a rendu la sécurité militaire prioritaire pour les États, parfois au détriment d’autres secteurs budgétaires essentiels. (Observatoire des armements / CDRPC)
La hausse des dépenses a été observée dans toutes les régions du monde :
• Europe, avec une croissance sans précédent de 17 % due à l’insécurité à ses frontières.
• Asie-Océanie, avec une augmentation soutenue du Japon, de la Chine et d’autres nations.
• Moyen-Orient, où certains pays ont amplifié leurs programmes de défense en réaction à des conflits régionaux.
• Amériques et Afrique, où la sécurité intérieure devient un motif significatif d’investissements militaires. (Observatoire des armements / CDRPC)
Top 10 des plus gros budgets militaires mondiaux (2024)
Selon les chiffres consolidés par SIPRI et les bases de données internationales :

- États-Unis — ~997 milliards USD : plus de 3,2 fois le budget de la Chine, représentant près de 37 % des dépenses globales. (SIPRI)
- Chine — ~314 milliards USD : deuxième depuis plusieurs années, continue d’investir dans modernisation et capacités avancées. (SIPRI)
- Russie — ~149 milliards USD : augmentation notable en réponse au conflit prolongé en Ukraine. (SIPRI)
- Allemagne — ~88,5 milliards USD : l’Europe centrale et occidentale réarme à grande vitesse. (SIPRI)
- Inde — ~86,1 milliards USD : forte dynamique d’expansion avec focus sur capacités conventionnelles. (SIPRI)
- Royaume-Uni — ~81,8 milliards USD : augmentation continue malgré pressions fiscales internes. (SIPRI)
- Arabie saoudite — ~80,3 milliards USD : souvent sous-estimé, reste le premier dépensier du Moyen-Orient. (SIPRI)
- France — ~64,7 milliards USD : renforcement des capacités navales et aériennes annoncé récemment. (AP News)
- Ukraine — ~64,7 milliards USD : malgré les contraintes budgétaires et la guerre, reste un acteur significatif. (BOFIT)
- Japon — ~55,3 milliards USD : record de budget défensif avec stratégie d’autonomie accrue. (SIPRI)
Cette liste montre une concentration extrême des dépenses : les cinq premiers pays réunis représentent environ 60 % du total mondial. (SIPRI)
Qui augmente le plus ? Les hausses spectaculaires
Si l’on se concentre sur les croissances les plus rapides de budgets militaires, plusieurs cas attirent l’attention :
Israël : augmentation record estimée autour de 65 % en 2024, la plus forte depuis 1967, sous l’effet des opérations multiples et de la guerre prolongée à Gaza. (timesofisrael.com)
Europe en bloc : impulsée par des nations telles que la Pologne (+31 %), la Suède (+34 %) et l’Allemagne (+28 %), toutes motivées par la perception d’une menace russe persistante. (SIPRI)
Japon : approbation d’un budget record avec une hausse d’environ 9,4 %, poursuivant une modernisation massive face à la pression chinoise et aux tensions régionales. (The Guardian)
Ces hausses ne sont pas isolées : plus de 100 pays ont augmenté leurs dépenses en 2024, une indication claire que la militarisation n’est plus une exception mais une tendance globale durable. (SIPRI)
Les moteurs de cette explosion des dépenses
Guerres prolongées et conflits frontaliers : Les guerres en Ukraine et au Moyen-Orient continuent d’absorber des ressources considérables, avec des conséquences durables sur la planification budgétaire des États concernés.
Rivalité entre grandes puissances : La compétition stratégique entre les États-Unis, la Chine et la Russie se traduit par des investissements massifs dans les technologies militaires avancées, y compris les drones, la cybersécurité et les armes hypersoniques.
Modernisation technologique : L’ère des innovations militaires — IA appliquée, guerre électronique, plateformes autonomes — a rendu obsolètes certaines capacités traditionnelles, poussant à une modernisation accélérée et coûteuse.
Pressions régionales : Dans de nombreuses régions, des voisins augmentent leurs dépenses en réaction les uns aux autres, créant une spirale d’armement difficile à interrompre sans accords structurels. (IPI Global Observatory)
Conséquences économiques et sociales

La priorité donnée à l’armée se fait souvent au détriment de budgets sociaux essentiels, notamment l’éducation, la santé ou les infrastructures civiles. À l’échelle mondiale, la part du PIB consacrée aux dépenses militaires s’élève désormais à environ 2,5 % du PIB mondial, un chiffre important qui reflète un rééquilibrage des priorités collectives. (SIPRI)
Ce choix budgétaire pose des questions politiques internes : comment justifier des hausses massives lorsque des populations entières font face à des difficultés économiques, à la crise climatique et à des besoins sociaux urgents ?
Vers une économie de guerre durable ?
Les données réunies confirment que la hausse des dépenses militaires n’est pas un phénomène épisodique lié à une seule crise. Elle représente une stratégie globale, intégrée dans la planification économique et politique de nombreux États. La conséquence est une économie de guerre durable, où l’investissement permanent dans la défense devient un pilier institutionnel plutôt qu’une réponse exceptionelle à un conflit spécifique.
Résumé :
En 2025, les dépenses militaires mondiales ont atteint des sommets historiques, dépassant largement les niveaux observés depuis la fin de la Guerre froide, portées par des tensions géopolitiques persistantes, des rivalités entre grandes puissances et des modernisations rapides des forces armées. Les États-Unis, la Chine, la Russie, l’Allemagne et l’Inde dominent le classement, tandis que des pays comme Israël, le Japon et plusieurs membres européens affichent des hausses record. Cette trajectoire traduit une économie de guerre durable, avec des implications profondes pour les sociétés civiles, les budgets sociaux et l’équilibre international.
Signature
Eric Hightower
Chroniqueur & Analyste géopolitique – FiableActus