Par Eric Hightower – FiableActus
Tel Aviv — Le 26 décembre 2025, l’État d’Israël est devenu le premier pays au monde à reconnaître officiellement la République du Somaliland comme un État indépendant et souverain — un geste spectaculaire qui rebattrait les cartes géopolitiques dans la Corne de l’Afrique, dans tout le monde arabe et au-delà. Cette reconnaissance historique met fin à plus de trois décennies d’isolement diplomatique pour le Somaliland, qui avait déclaré son indépendance de la Somalie en 1991 mais n’était jamais parvenu à décrocher une reconnaissance internationale officielle d’un membre de l’Organisation des Nations unies. (Reuters)
La démarche d’Israël va bien au-delà d’un simple acte symbolique ou de solidarité politique. Elle s’inscrit dans un contexte stratégique plus large où intérêts économiques, sécuritaires, rivalités régionales et tentatives de redéfinir une influence internationale s’entrelacent. Afin de comprendre les motivations profondes de Tel-Aviv et les conséquences potentielles de cette décision, il est indispensable de replacer l’événement dans une dynamique géopolitique globale.
Un territoire longtemps en attente de reconnaissance
Le Somaliland couvre une partie du nord-ouest de l’ancienne Somalie. Indépendant de fait depuis 1991, il a néanmoins fonctionné pendant plus de trois décennies sans reconnaissance internationale officielle, malgré une administration autonome, une stabilité civile relative et des institutions étatiques comparativement robustes face à son voisin somalien souvent fracturé. (Wikipédia)
Cette reconnaissance par Israël n’est pas seulement une première mondiale : elle transforme le Somaliland d’un « pays qui n’existe pas » en acteur diplomatique légitime sur la scène internationale, au moins aux yeux d’un membre pleinement reconnu des Nations unies. Elle donne aussi à Hargeisa l’espoir d’être suivie par d’autres capitales. (Al Jazeera)
Stratégie d’Israël : sécurité, alliances et nouvelle géopolitique
Plusieurs éléments expliquent pourquoi Israël a choisi ce moment précis pour reconnaître le Somaliland, et ils dépasse(nt) largement une simple volonté d’amitié diplomatique :
Ancrage stratégique le long des routes commerciales mondiales
Le Somaliland occupe une position géographique clé à l’entrée du golfe d’Aden et face au détroit de Bab-el-Mandeb — l’un des points névralgiques du trafic maritime mondial reliant l’océan Indien au canal de Suez. Contrôler ou influencer cette zone peut avoir des retombées majeures sur le commerce global, les flux énergétiques et la sécurité maritime. (TF1 INFO)
Pour Israël, situé à des milliers de kilomètres mais profondément dépendant des voies maritimes pour ses échanges avec l’Asie et l’Afrique, cette reconnaissance peut ouvrir des portes pour des partenariats structurels autour de la sécurité des voies navigables et de la surveillance régionale.
Contenir les influences hostiles et les groupes armés
La région de la mer Rouge et du golfe d’Aden est aujourd’hui un théâtre de tensions croissantes, notamment à cause de l’activité des rebelles houthis au Yémen, soutenus par l’Iran, qui ont multiplié les attaques contre des navires commerciaux et militaires ces dernières années. Un partenariat avec le Somaliland peut offrir à Israël une sorte de point d’appui géographique pour surveiller ou contrer ces menaces périphériques, même indirectement. (ynetglobal)
Normalisation et réseau diplomatique
Dans le discours officiel, Israël évoque cette reconnaissance comme s’inscrivant « dans l’esprit des accords d’Abraham », cette série d’accords de normalisation que Tel-Aviv a signés avec plusieurs pays arabes et musulmans au cours des dernières années. Cela permet à Israël d’affirmer qu’il cherche à étendre son réseau diplomatique au-delà des relations traditionnelles avec l’Occident ou certains États du Golfe. (Wikipédia)
Le contexte régional : réactions et tensions
La décision israélienne n’a pas seulement suscité la joie à Hargeisa — elle a provoqué une onde de choc diplomatique importante :
• La Somalie, qui considère le Somaliland comme une partie intégrante de son territoire, a condamné la reconnaissance comme une « violation flagrante » de sa souveraineté. (Arab News)
• L’Union africaine, de même que des pays comme l’Égypte, la Turquie ou Djibouti, ont exprimé leur désapprobation, affirmant que ce geste pourrait menacer la paix et la stabilité régionales. (AP News)
Alors que certains pays africains craignent un précédent dangereux qui pourrait encourager d’autres sécessions, d’autres acteurs externes voient dans ce mouvement une manœuvre stratégique israélienne pour renforcer ses alliances et contrer des influences adverses dans une région hautement concurrentielle.
Israël qui tente de se racheter une image ?
Depuis plusieurs années, Israël est confronté à une pénurie de bonnes nouvelles diplomatiques pour contrebalancer les conséquences politiques de ses conflits prolongés au Moyen-Orient — en particulier sa stratégie vis-à-vis de Gaza, ses relations avec ses voisins immédiats et les accusations répétées de violations des droits humains qui en découlent. Dans ce contexte, la reconnaissance d’un État africain stable et non hostile apparaît comme un coup de communication et de géopolitique capable de repositionner Israël dans des réseaux d’influence plus larges. (RTL Info)
Contrairement au conflit israélo-palestinien et à d’autres affrontements régionaux qui ont fragilisé son image auprès de nombreux pays, cette initiative lui permet d’endosser un rôle de partenaire diplomatique émergent, capable d’être perçu comme acteur constructif dans des régions éloignées du Proche-Orient.
Pourquoi maintenant ? Opportunité, rivalités et calculs
Plusieurs facteurs se conjuguent pour expliquer le timing de cette décision :
• Pressions et rivalités régionales : dans une région où la Turquie, l’Égypte et d’autres États cherchent à étendre leur influence en Afrique de l’Est, Israël entre dans la danse pour ne pas être marginalisé. (al-monitor.com)
• Géopolitique mondiale : le renforcement des intérêts africains par des puissances comme la Chine met en jeu des ressources, des routes commerciales et des zones d’influence que Tel-Aviv ne peut ignorer. (TF1 INFO)
• Potentiel d’alliances pleines : en favorisant une reconnaissance précoce du Somaliland, Israël ouvre la porte à relations diplomatiques complètes, y compris l’établissement d’ambassades et de missions bilatérales. (RTL Info)
Ce que cela pourrait signifier pour l’avenir
Au-delà de la simple reconnaissance diplomatique, ce geste pourrait être le point de départ d’un réalignement géopolitique plus vaste :
Le Somaliland, désormais plus légitime politiquement, pourrait attirer investissements, accords commerciaux et coopération économique accrue. (Al Jazeera)
D’autres pays pourraient suivre — certains acteurs européens ou américains ont déjà évoqué la question en marge des débats stratégiques. (New York Post)
Enfin, ce type d’action redistribue les cartes des alliances en Afrique de l’Est et pourrait influencer les relations futures entre acteurs africains, asiatiques et occidentaux.
À retenir :
La reconnaissance du Somaliland par Israël n’est pas seulement un fait diplomatique sans précédent. C’est un mouvement calculé, ancré dans un contexte géopolitique complexe où sécurité, routes commerciales, rivalités régionales et besoins de légitimité internationale se croisent. Si Tel-Aviv a su exploiter cette opportunité pour élargir son réseau d’influence, la réaction des puissances régionales, la position des grandes capitales et l’évolution de l’intégration du Somaliland sur la scène mondiale détermineront l’impact réel de cette décision.
Eric Hightower
Chroniqueur & Analyste géopolitique – FiableActus
Référence article précédent pour contexte approfondi: ici 👉 https://fiableactus.com/israel-reconnaissance-somaliland/